Le temps passait lentement au sein du campement, néanmoins il serait bientôt midi et Alixandre n'avait que peu de chose à faire en dehors de ses passages plus ou moins réguliers au terrain d'entrainement. Les rues étaient toujours particulièrement animée et semblait l'être un peu plus chaque jour avec l’approche de la fête de l'automne. Elle portait bien son nom... Arrivant juste au moment où les arbres revêtaient leur tenue rouge orangé, l’événement était attendu de tous que cela soit en raison du tournoi ou à cause du nombre impressionnant de badauds venus pour l'occasion... 
La journée promettait d'être vide comme les précédentes et à part flâner dans les rues Alixandre ne pourrait que rester sous sa tente.

Je soupirai un instant avant de me pincer l'arrête du nez, excédé. Comment étais-je supposé pouvoir comprendre ce traité de médecine complexe avec tout ce bruit ?

Il y avait des jours où faire abstraction du bruit alentour ne me posait aucun problème, et d'autres, comme aujourd'hui, où cet acte relevait de l'exploit. Et malheureusement pour moi, je n'étais pas du genre à réaliser des exploits.

Je fermai mon livre et le posai sur la table, attrapant par la même une pomme verte dans laquelle je croquai à pleines dents. Puisque je ne pouvais pas travailler décemment aujourd'hui, je n'avais qu'à sortir. Pas pour aller au terrain d'entraînement. J'y allais bien assez à mon goût, et le souvenir de mon premier passage m'avait suffisamment traumatisé pour que je ne craigne de me faire complètement rosser à chacune de mes visites.

Je décidai plutôt d'aller faire un tour dans le campement, pour me changer les idées et voir où en étaient les préparatifs de la fête de l'automne. Et puis, qu'en savais-je ?  Peut-être allais-je faire de nouvelles rencontres ou bien trouver quelque chose de distrayant à faire.

L'épée au côté - je ne savais toujours pas m'en servir, mais en plus de sa valeur sentimentale, je trouvais que porter l'épée octroyait une certaine classe -, je sortis de ma tente, et fus rapidement englouti par la foule effervescente.

Le marché était quelque peu bondé et Alixandre fut indirectement guidé par la foule vers les étales les "moins" fréquentés. Il s'agissait majoritairement de simples marchands de fruits et légumes de la région. Les pauvres se faisaient voler la vedette par les nouveaux arrivants... En s'arrêtant devant l'un d'eux l'espace d'un instant, le regard du jeune homme s'attarda sur un étrange hybride noir portant à bout de bras un panier en osier foncé. Il contenait divers ingrédients utiles à la préparation de sortilège, du moins il le devinait partiellement de là où il était.

Veheniem 


Edern arpentait les rues depuis quelques heures à la recherche des derniers ingrédients que lui avait demandé son maître. Il n'appréciait pas particulièrement aller en ville, être entouré par un grand nombre de personne le mettant quelque peu mal à l'aise. Dans chaque personne il voyait un ennemi potentiel et cela mettait ses nerfs à rude épreuve. Néanmoins... C'était sa mission et il s'y tenait. Le draco-mage avait besoin du contenu de son panier, du moins c'est ce qu'il lui avait dit, pour quoi en revanche, Edern n'en avait aucune idée. Dans son esprit la magie avait toujours été un miracle propre aux seigneurs dragons... 
Il continua d'avancer jusqu'à ce qu'un râclement de gorge dans son dos le pousse à se retourner lentement. Il ne prononça pas un mot et se contenta de toiser le jeune homme qui se tenait là, par l'interstice du foulard couvrant son visage.

Bien évidemment, mon raclement de gorge n'était pas passé inaperçu. Non, ça aurait été trop simple, sinon. Après tout, j'aurais sans doute eu le temps de trouver quelque chose de potable pour engager la conversation avec un parfait inconnu. Mais non.

L'étranger que je souhaitais aborder s'était lentement retourné vers moi, et je dois avouer que sa manière de le faire n'était pas particulièrement rassurante. Si l'on ajoutait à cela le fait qu'il ne pipait mot, qu'il était bien plus grand que moi et qu'en plus, je ne pouvais pas voir son visage (bien que je me doutais, à son attitude générale, qu'il ne devait pas être très avenant), eh bien je dois reconnaître que je ne savais plus où me mettre et que je maudissais vaguement mes bonnes idées pour m'instruire.

Il était de toute façon trop tard pour reculer, et je me lançai donc le plus naturellement possible, tentant de masquer le fait que j'étais intimidé :

- Bonjour.

A cela j'ajoutai mon sourire, espérant qu'il servirait à détendre mon interlocuteur tout autant que ma propre personne.

Veheniem


Le loup réajusta son panier et haussa les épaules avant de finalement s'en aller dans le sens opposé. Il n'était certainement pas venu là pour discuter, en plus de cela son maître l'attendait non loin de là et lui non plus n'aimait pas beaucoup venir en ville... Il tourna imperceptiblement la tête et haussa les oreilles pour savoir si le jeune homme le suivait où non.

D'accord. Je n'étais définitivement pas doué pour engager les conversations.

En voyant l'hybride s'éloigner, j'hésitai : devais-je laisser tomber et faire comme si de rien n'était, ou bien persévérer dans ma tentative de parler avec lui et espérer en ressortir moins ignare ?

La solution la plus simple, et sans doute la plus raisonnable, aurait sans doute été de tourner les talons à mon tour et de retourner à ma tête. Cependant, si j'estimais être un garçon raisonnable, la persévérance était l'une de mes principales valeurs. C'était après tout grâce à elle que j'étais devenu celui que j'étais aujourd'hui.

Je m'élançai donc sur ses pas, et tentai une nouvelle fois de lui adresser la parole.

- Je suis désolé de vous déranger, m'excusai-je. Simplement, j'ai vu le contenu de votre panier, et je me suis dit que vous deviez être un magicien. Et ça fait de longues années que j'espère rencontrer un magicien et parler avec lui.

J'étais parvenu à sa hauteur, désormais, et croisai mentalement les doigts pour qu'il ne me remette pas un vent mémorable et daigne me répondre.

Veheniem


Edern soupira. Il allait être en retard, définitivement en retard. Le loup se décida à se retourner après quelques secondes et ouvrit la bouche. Avant qu'il ait pu prononcé le moindre son, il fut interrompu par une voix qu'il connaissait bien.

"Que faisais tu Edern, cela fait un moment que je t'attendais...?"

Le jeune mage vêtu de noir était apparu derrière eux. Il ne cachait même plus sa puissance et ses yeux avait clairement les iris fendus. N'importe qui pouvait sentir l'aura magique qui émanait de lui. Il jeta un regard au jeune homme et expira longuement.

"Oh je vois."

Edern retourna se placer derrière le mage et baissa la tête en signe de respect. Peut être était il en train de considérer une éventuelle faute de sa part. Le mage se contenta de jeter un oeil au panier avant de tourner son attention vers le jeune homme. Il ne semblait pas particulièrement confiant...

"Bonjour. Edern vous aurait-il importuné d'une quelconque façon ?"

L'intéressé releva les oreilles avant de baisser la tête encore davantage.

Un peu surpris par la demande, je me contentais de regardé le jeune homme. Que pouvait-il bien me vouloir ?

"Hum... Que puis-je faire pour vous ?"

J'avais prononcé ces mots sans réelle conviction. Rester ici me mettait quelque peu mal à l'aise et retourner au plus vite dans la forêt n'était pas une idée qui me déplaisait.

Je ne sais pas à quelle réponse il s'attendait, mais visiblement, il risquait d'être déstabilisé par ma demande impromptue et peut-être inappropriée.

- Eh bien, je suis un soigneur, donc j'utilise la magie, mais à vrai dire, je n'ai pas eu l'occasion de lire ou de voir quoi que ce soit me permettant de comprendre comment elle fonctionnait, précisément. Donc je me disais que si je rencontrais et parlais avec un véritable magicien... ça ne pourrait être qu'instructif pour moi.

Je devais reconnaître que j'étais quelque peu gêné par cet aveu.

J'allais répondre quelque chose quand un cri strident se fit entendre derrière moi. Cela provenait d'une maison non loin de là. Au son il s'agissait d'une jeune femme. Edern avait immédiatement placé la main sur son épée et s'était imperceptiblement rapproché de moi. Je doutais que le danger soit immédiat mais je n'ajoutais rien, bien trop surpris pour réagir.

"Qu'est-ce que...?"

Je sursautai à l'entente du cri, et je fus loin d'être le seul à y réagir.

Je jetai un bref coup d'oeil au magicien et à son compagnon - qui avait posé sa main sur la garde de son épée - et me précipitai en direction de l'origine du cri.

Après tout, si quelqu'un était blessé, j'étais la personne idéale.

Intrigué à mon tour, je décidais de suivre le jeune homme. Je ne me souciais pas particulièrement du sort d'un ou deux humains mais... Je m'ennuyais quelque peu depuis que je m'étais établi dans la forêt... J'indiquais mon désir à mon compagnon du regard et celui-ci comprit immédiatement. Nous nous mirent à marcher en direction du cri, en nous attendant certainement à trouver quelque chose de "divertissant"...

Game Master

Le cri provenait d'un petit groupe d'habitions regroupées à l'écart du village. Entièrement faites de pierre et partiellement en ruines, ou du moins quelque peu abîmées par le temps, beaucoup d'entre elles possédaient plusieurs étages. Quelques buissons et fleurs sauvages ornaient l'allée en guise de jardin commun. Plusieurs personnes s'étaient regroupées non loin de l'une des maisons les plus éloignées. Un homme d'une trentaine d'année tenait fermement le bras d'une adolescente à la carrure particulièrement frêle et semblait lui hurler dessus. Un autre homme légèrement plus jeune hurlait à son tour afin de le faire lâcher prise... Visiblement quelque chose s'était passé ici.

Je m'approchais à mon tour. La situation menaçait de dégénérer... Du moins si l'on ne faisait rien. Edern avait commencé à dégainer son arme, il ne comptait sans doute pas laisser qui que ce soit le prendre de vitesse j'imagine. 

"Excusez moi. Que ce passe t-il ici ?"

Je jetais un rapide coup d'oeil au jeune homme. Il me paraissait particulièrement essoufflé pour la maigre distance parcourue. Cela finit de confirmer le fait qu'il n'était décidément pas fait pour manier l'épée qu'il portait à sa ceinture...

Le plus vieux grogna. Il s'agissait d'un garde au vu de son armure de cuir et de l'épée qu'il tenait dans sa main droite. La jeune femme qu'il maintenait fermement n'avait rien d'une guerrière en revanche. Vêtue d'une longue robe jaune pastel aux doux motifs blancs, sa faible carrure ne lui laissait aucune chance d'échapper ou de se dégager par elle même. En revanche ce qui était le plus frappant provenait était son regard cyan embué de larmes et à peine dissimulés par une mèche de ses longs cheveux châtains ébouriffés.   

"Rien qui vous concerne. Je viens d'attraper cette meurtrière et vais de ce pas la jeter dans un cachot."

Sa captive tenta de se dégager en pleurant à moitié. C'est alors que le second homme, âgé d'environ une vingtaine d'année habillé de vêtement partiellement déchirés et transportant avec lui une épée de bois, se mit à rugir à son tour. 

"Relâche là ! J'étais avec elle, elle n'a rien fait !"

Le garde se contenta de pointer du doigt l'intérieur de la maison devant laquelle il se tenait. Allongé sur le sol, un homme, assez agé était allongé dans une large tâche de sang. Il était mort en effet, il n'y avait pas a en douter... Le jeune homme colérique commença à serrer les poings et reprit sur un ton encore plus menaçant.

"Lâche la maintenant !
-Certainement pas. Elle était la seule présente quand on a découvert le corps. Il est évident qu'elle est à responsable de sa mort. 

La situation semblait sur le point de dégénérer. Le mage fut le premier à intervenir.

-Je pense qu'en effet vous devriez l'emmener pour le moment."

Le jeune garde se contenta de hausser les épaules et traîna la jeune fille avec lui. Le jeune homme allait le poursuivre quand le loup se plaça devant lui et le mage reprit simplement la parole en croisant les bras.

"Déclencher un combat maintenant ne pourrait être que préjudiciable à tous le monde, alors calme toi.

L'intéressé serra les dents quelques secondes, cherchant probablement à contenir sa colère. Il finit néanmoins par donner un coup de poing contre l'un des poteaux en bois de la maison. 

-C'est pas vrai...!"